Depuis un certain nombre d'années je me demande POURQUOI ça :
Cette abomination qui donne à la silhouette humaine celle de l'après-skieur perpétuel en alliant inélégance et démarche flasque. L'affaissement de la godasse entraîne quasi instantanément l'affaissement du corps lui-même. Le uggé, enfin la uggée, sombre dans une léthargie de plantigrade urbain. Les cerveaux embrumés par les écrans ont enfin trouvé chaussure à leur pied et la ville se romérise. J'ai presque peur d'être mordue au supermarché.
Qu'a-t-il bien pu se passer dans les esprits de mes congénères lors du choix et surtout de l'achat - putain ça coûte 150 balles !!! - de ces monstruosités ? Et pire encore, devant leur succès invraissemblable, dans ceux des acteurs de la copie et de la contrefaçon pour en produire des accessibles à toutes les bourses ?
Et puis je les ai vues. Ces mères à peine sorties du lit, non coiffées, les yeux collés de sommeil, un gros manteau pour couvrir leur pyjama et chaussées de UGG dans ce flot matinal où entre 8h35 et 8h45 toutes convergent avec leur progéniture vers un point précis : l'école. Toutes ont un pas rapide et tirent leur môme barbouillé de chocolat et les mains collantes de confiture. Avec les mêmes phrases entendues sur les trottoirs : "on se dépêche", "ferme ton manteau", "on est en retard", "tu t'es brossé les dents ?", "vite !", "t'as bien fini tes devoirs ?"...
Je fais partie de cette migration quotidienne une semaine sur deux. En fonction de mon emploi du temps je suis toute pimpante prête à affronter ma journée de travail ou bien les jours chômés comme elles : en transit avant un retour dans mon lit.
Alors oui, je comprends désormais POURQUOI. Parce que la UGG c'est ne pas sortir de son lit vraiment. Garder aux pieds la chaleur et le moelleux de sa couche. Rester somnolente du pied pour, une fois son devoir accompli, rêver une petite heure de plus.