La dernière fois que j'ai dit "Adieu Michel", c'était en 2003 quand ma chatte est morte. Oui elle s'appelait Michel.le. L'écriture inclusive n'existait pas et selon mon humeur l'animal était Michel ou Michelle. À l'époque je savais rire d'un rien.
Adieu Michel donc. Aujourd'hui adressé à l'animal Houellebecq. Au sortir de son dernier roman Sérotonine je le quitte - c'est d'autant plus facile que Michel s'en fout. Entre nous ça faisait 20 ans quand même... Je ne sais pas si c'est moi qui ai changé ou lui ou les deux. Peut-être juste moi. Michel a toujours été assez dépressif et déprimant. Je n'ai rien contre la déprime (cf le titre du blog), surtout quand elle affecte les autres. Chez Houellebecq elle touche au sublime. À moi, personne n'avait dit le profond de l'homme comme lui. Si crûment. J'avais l'impression qu'il ne se foutait pas de ma gueule. Qu'il me révélait des vérités qu'on me cachait. À 18 ans je n'avais pas encore ouvert ma bibliothèque à Duras, Ernaux et Despentes...
Et en plus l'auteur est drôle. Si, si, je vous assure. Parce qu'il se moque de lui-même et de ses congénères et ça pour une petite féministe comme moi, c'est sympathique. Pour preuve, cette citation qui de prime abord se veut anti-féminisme (et elle l'est), pour se révéler une critique acerbe du genre humain à pénis et du monde du travail.
Et en plus l'auteur est drôle. Si, si, je vous assure. Parce qu'il se moque de lui-même et de ses congénères et ça pour une petite féministe comme moi, c'est sympathique. Pour preuve, cette citation qui de prime abord se veut anti-féminisme (et elle l'est), pour se révéler une critique acerbe du genre humain à pénis et du monde du travail.
« Pour ma part j’ai toujours considéré les féministes comme d’aimables connes, inoffensives dans leur principe, malheureusement rendues dangereuses par leur désarmante absence de lucidité. Ainsi pouvait-on, dans les années 1970, les voir lutter pour la contraception, l’avortement, la liberté sexuelle etc., tout à fait comme si le « système patriarcal » était une invention des méchants mâles, alors que l’objectif historique des hommes était à l’évidence de baiser le maximum de nanas sans avoir à se mettre une famille sur le dos. Les pauvres poussaient même la naïveté jusqu’à s’imaginer que l’amour lesbien, condiment érotique apprécié par la quasi-totalité des hétérosexuels en activité, était une dangereuse remise en cause du pouvoir masculin. Elles manifestaient enfin, et c’était le plus triste, un incompréhensible appétit à l’égard du monde professionnel et de la vie de l’entreprise ; les hommes, qui savaient depuis longtemps à quoi s’en tenir sur la « liberté » et l’« épanouissement » offerts par le travail, ricanaient doucement. Trente ans après les débuts du féminisme « grand public », les résultats sont consternants. Non seulement les femmes sont massivement entrées dans le monde de l’entreprise, mais elles y accomplissent l’essentiel des tâches (tout individu ayant effectivement travaillé sait à quoi s’en tenir sur la question : les employés masculins sont bêtes, paresseux, querelleurs, indisciplinés, incapables en général de se mettre au service d’une tâche collective quelconque). Le marché du désir ayant considérablement étendu son empire, elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d’années, se consacrer à l’entretien de leur “capital séduction”, dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l’ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N’ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu’elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entre-temps quittées pour une plus jeune ; encore bien heureuses lorsqu’elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire. En résumé, l’immense travail de domestication accompli par les femmes au cours des millénaires précédents afin de réprimer les penchants primitifs de l’homme (violence, baise, ivrognerie, jeu) et d’en faire une créature à peu près susceptible d’une vie sociale s’est trouvé réduit à néant en l’espace d’une génération. »À l'époque je savais rire d'un rien.
Alors s'il est si cool dans sa dépression et son humour, pourquoi le quitter ? Ses provocations ? Ses amitiés douteuses ? Sa légion d'honneur ? Non je me fous de tout ça. L'animal gère sa vie médiatique comme il veut tant que sa littérature m'atteint, me bouleverse, me dérange. Et depuis trois livres, elle m'ennuie. Il y a des fulgurances certes, mais trop peu. La première de Sérotonine est arrivée à la page 316. Sur 347...
Alors voilà. C'est terminé Michel. Je continuerais malgré tout à dire du bien de toi, comme un ancien amoureux dont on ne peut pas médire car ce serait se médire aussi.