samedi 5 octobre 2019

13 JOURS




13 jours que j’ai arrêté de fumer. 13 jours à avoir en tâche de fond un retentissant «Putain je fumerais bien une clope.» 13 jours à osciller entre fierté et dissension. Une fierté médiocre : il suffit juste de ne pas faire des trucs comme entrer dans un bureau de tabac, taxer ses potes, retourner son appartement parce qu’il y a forcément un paquet oublié quelque part… Ne pas faire c’est assez facile. On ne s’arrête pas, on ne fait juste plus. Je n’ai pas réfléchi cette décision. Je ne me suis pas préparée. C’est arrivé un dimanche soir, en terrasse avec un ami cher, un moscow mule, des falafels et pas de cigarettes. «Vous vendez des cigarettes ? - Oui au bar – Combien ? - 12 euros.» C’est trop cher. Ma réserve de clopes duty free est à sec et non je n’ai pas envie de payer ce prix pour 20 tiges. Donc je ne fume pas ce soir. Et puis lundi arrive et je ne fais pas. Les jours passent et je ne fais pas. Cela fait 13 jours que je ne fais pas. J’y pense tout le temps mais je reste inactive. Pas de crise de manque de nicotine, pas d’insomnie, pas d’irritabilité. Mais j’y pense tout le temps. Comme à cet homme pour qui je n’ai pas arrêté de fumer. Des mois maintenant que je ne le vois plus et j’y pense tout le temps. Les obsessions se cumulent-elles ou se remplacent-elles ? Je vote pour l’option 2. Le tabac remplace le chagrin dans mon cerveau encombré, un soir de printemps j’allume une clope et je suis guérie. J’adore ce programme.
L’application Tabac Info Service me promet qu’en jour 2 mon sang a été nettoyé du monoxyde de carbone, qu’en jour 3 ma respiration s’est améliorée, qu’en jour 7 sont revenus mon goût et mon odorat et demain mon sommeil sera de meilleure qualité. À suivre une voix plus claire, un teint de porcelaine, et la timbale : dans 1 an moins 13 jours j’aurai le même risque d’AVC qu’un non-fumeur ! Waouh, c’est génial !!! Je n’ai pas arrêté de fumer après mon AVC, malgré les reproches, les intimidations, les regrets, les sommations, j’ai continué. J’ai même plus apprécié ces cigarettes interdites et controversées. Qu’ils aillent se faire foutre ces médecins, ces gens qui m’aiment, ces inconnus qui me veulent du bien. C’était ma rébellion, mon frisson, ma clope qui m’emplissait de poison – c’est écrit sur le paquet en très gros : FUMER TUE. Ce doux poison qui m'apaisait, m'excitait, me consolait, me faisait passer le temps, accompagnait si bien le vin blanc et la mélancolie. Quelque soient les substances addictives qui me l’on fait penser, éprouver. Et un dimanche soir, j'y renonce sans réelle motivation. 
"Ne vous sentez-vous pas fragile pour entreprendre cela ?"
Magnifique question d'une professionnelle du questionnement.
Ma réponse est oui (à laquelle j'ajoute un "connasse" non verbalisé.)

Demain ça fera 14 jours, ou peut-être pas. 


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