13 jours que j’ai arrêté de fumer. 13
jours à avoir en tâche de fond un retentissant «Putain je
fumerais bien une clope.» 13 jours à osciller entre fierté
et dissension. Une fierté médiocre : il suffit juste de ne pas
faire des trucs comme entrer dans un bureau de tabac, taxer ses
potes, retourner son appartement parce qu’il y a forcément un
paquet oublié quelque part… Ne pas faire c’est assez facile. On
ne s’arrête pas, on ne fait juste plus. Je n’ai pas réfléchi
cette décision. Je ne me suis pas préparée. C’est arrivé un
dimanche soir, en terrasse avec un ami cher, un moscow mule, des
falafels et pas de cigarettes. «Vous vendez des cigarettes ?
- Oui au bar – Combien ? - 12 euros.» C’est trop
cher. Ma réserve de clopes duty free est à sec et non je n’ai pas
envie de payer ce prix pour 20 tiges. Donc je ne fume pas ce soir. Et
puis lundi arrive et je ne fais pas. Les jours passent et je ne fais
pas. Cela fait 13 jours que je ne fais pas. J’y pense tout le temps
mais je reste inactive. Pas de crise de manque de nicotine, pas
d’insomnie, pas d’irritabilité. Mais j’y pense tout le temps.
Comme à cet homme pour qui je n’ai pas arrêté de fumer. Des mois
maintenant que je ne le vois plus et j’y pense tout le temps. Les
obsessions se cumulent-elles ou se remplacent-elles ? Je vote
pour l’option 2. Le tabac remplace le chagrin dans mon cerveau
encombré, un soir de printemps j’allume une clope et je suis
guérie. J’adore ce programme.
L’application Tabac Info Service me
promet qu’en jour 2 mon sang a été nettoyé du monoxyde de
carbone, qu’en jour 3 ma respiration s’est améliorée, qu’en
jour 7 sont revenus mon goût et mon odorat et demain mon sommeil
sera de meilleure qualité. À suivre une voix plus claire, un teint
de porcelaine, et la timbale : dans 1 an moins 13 jours j’aurai le
même risque d’AVC qu’un non-fumeur ! Waouh, c’est
génial !!! Je n’ai pas arrêté de fumer après mon AVC,
malgré les reproches, les intimidations, les regrets, les
sommations, j’ai continué. J’ai même plus apprécié ces
cigarettes interdites et controversées. Qu’ils aillent se
faire foutre ces médecins, ces gens qui m’aiment, ces inconnus qui me veulent du bien.
C’était ma rébellion, mon frisson, ma clope qui m’emplissait de
poison – c’est écrit sur le paquet en très gros : FUMER
TUE. Ce doux poison qui m'apaisait, m'excitait, me consolait, me faisait passer le temps, accompagnait si bien le vin blanc et la mélancolie. Quelque soient les substances addictives qui me
l’on fait penser, éprouver. Et un dimanche soir, j'y renonce sans réelle motivation.
"Ne vous sentez-vous pas fragile pour entreprendre cela ?"
Magnifique question d'une professionnelle du questionnement.
Ma réponse est oui (à laquelle j'ajoute un "connasse" non verbalisé.)
Demain ça fera 14 jours, ou peut-être pas.
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